#4 L'automne encore: La réduction de la dette budgétaire et le classique "compétitivité vs régulation" dans l'IA
Des rendez-vous qui clarifient peu à peu la brume autour des résultats du Sommet.
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Points clés :
Pour participer et s’informer : La consultation d’experts reste ouverte jusqu’au 15 novembre.
Le contexte politique : La réduction de la dette budgétaire demeure au coeur de l’actualité politique française. Le cabinet de la Secrétaire d’Etat, Madame Chappaz, s’agrandit, tandis que les décrets attribuant les responsabilités en matière d’IA aux différents Ministres ont été publiés.
L’analyse : Les “menaces d’absence de publications” au sein de l’Union européenne semblent en réalité être des délais de publication. Le classique compétitivité vs régulation européennes est un discours permettant aux sociétés de négocier avec le régulateur. Elles semblent également faciliter un sentiment de rupture avec les régulateurs et permettre un défaut de détail quant à la précision de la valeur apportée par les sociétés.
Les questions : Quel sera l’impact des élections américaines sur le Sommet ? Comment seront conciliés les restrictions budgétaires européennes ou françaises avec les ambitions liées à l'IA ?
Le mot : La môme (“brat”)
Les dates : Deux webinaires d’information auront lieu pour donner des précisions : le 13 novembre à 16h (CET) et le 14 novembre à 11h (CET). Ces sessions, organisées par l’équipe du Sommet, incluent des partenaires de la société civile.
Le prochain évènement : Je vous invite à la prochaine édition des AI Safety Breakfasts : jeudi prochain, le 21 novembre, de 9h à 10h, nous entendrons Dr. Rumman Chowdhury sur le thème des audits algorithmiques.
Nos évènements à revoir :
Avec le Dr Charlotte Stix sur les évaluations des modèles à usage général (25 septembre) ;
Avec le Prof. Yoshua Bengio sur le rapport scientifique international sur la sécurité de l’IA avancée et l’état de l’art de la sécurité de l’IA (7 octobre).
Processus de préparation
Concernant la préparation du sommet, on note que :
Le rapport provisoire de la consultation d’experts a été publié.
Le forum de la paix de Paris (“Paris Peace Forum”) se tient les 11 et 12 novembre, offrant un espace de dialogue international entre les acteurs impliqués dans le Sommet. Ce forum précède la réunion inaugurale du réseau international des instituts de sécurité de l'IA à San Francisco.
Contexte politique
Sur le budget
La question du budget reste au coeur des débats.
Les discussions sur les projets de loi budgétaires, projet de loi de finances (PLF) et projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) se poursuivent dans un climat tendu à l’Assemblée nationale.
A ce jour, aucun des deux textes n’a été adopté :
PLF : Après avoir rejeté le PLF en commission, les parlementaires n’ont pas réussi à compléter l’examen de la partie recettes du texte dans les délais prévus. Les débats ont donc été suspendus pour laisser place à l’examen du PLFSS, avant de reprendre le 6 novembre.
PLFSS : Bien que les députés aient adopté la partie recettes du PLFSS le 4 novembre avec 126 voix pour et 98 contre (incluant des votes contre de la majorité et de la droite et une abstention de l’extrême droite), le budget le budget n'a finalement pas été adopté en première lecture à cause d’un dépassement des 20 jours prévus par la Constitution. Les débats ont été stoppés le 5 novembre. Le gouvernement devrait transmettre sa version initiale au Sénat, avec éventuellement certains amendements retenus.
Compte tenu de la configuration politique, le scénario le plus probable est que les députés rejettent le texte en séance publique comme cela a été le cas en commission. Le texte sera ainsi transmis au Sénat dans la version initiale du gouvernement.
Comme mentionné dans notre édition #3, il est donc probable que le gouvernement active l’article 49.3 de la Constitution. Celui-ci serait probablement couplé d’un dépôt d’une motion de censure du gouvernement, dont l’adoption dépendrait alors de la position du parti d’extrême-droite.
En parallèle de ces différentes échéances parlementaires, le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) 2024 doit être présenté en Conseil des ministres et confirmerait que le déficit public de l'année en cours atteindra 6,1 % du PIB.
Sur les questions numériques
Philippe Aghion, co-président du comité de l’IA générative, qui partage cette fonction avec Anne Bouverot, a déploré :
« La rigueur budgétaire risque de se mettre en travers des ambitions françaises pour l’IA […] [on] « ne sent pas de dynamique et de vision » [sur le soutien aux chercheurs].
En parallèle, les nominations au cabinet de la Secrétaire d’Etat au numérique et à l’IA, Clara Chappaz continuent :
Vincent Rapp, ancien responsable sectoriel « innovation et stratégie IA » chez Bpifrance, a été nommé conseiller spécial en charge de l’IA ;
Marc Revol, ex-directeur des projets IA à la Direction générale des entreprises (DGE) et actuellement conseiller innovation du Ministre de la Recherche, devrait aussi assumer un rôle de conseiller auprès de Clara Chappaz.
Enfin, les décrets d’attribution des Ministres ont été publiés.
L’IA est placée sous l’autorité du Ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, Patrick Hetzel, qui collaborera avec le Ministre de l’Economie (voir décret d’attribution d’Antoine Armand) pour la mise en oeuvre de la politique gouvernementale sur l’IA et le numérique dans la recherche et la technologie.
Clara Chappaz supervisera également des aspects opérationnels, en vertu de la délégation de son Ministre du tutelle. Elle dispose également des services placés sous l'autorité du Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, tandis que la Direction générale des Entreprises reste sous l’autorité de Bercy.
Ainsi, le numérique et la politique en matière d’IA sont répartis entre trois Ministères qui auront vocation à être respectivement impliqués dans la préparation du Sommet.
Analyses
Sur le classique “compétitivité vs régulation” européennes
Le rapport Draghi, publié en septembre 2024, examinait les défis et opportunités pour relancer la croissance et la productivité au sein de l’Union européenne. Il identifiait notamment l’IA et les semi-conducteurs comme des domaines prioritaires pour une Union Européenne compétitive.
Récemment, plusieurs sociétés d’IA publiaient justement une lettre ouverte nommée ‘l’Europe a besoin de l’IA’. Cette lettre indiquait notamment que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) était “un rejet du progrès” par l’Union Européenne. Selon ces sociétés :
L’application du RGPD serait fragmentée et constituerait donc une barrière à l’entrée sur le marché européen des modèles d’IA à usage général.
Or, sans ces modèles, le développement de l’IA aurait lieu ailleurs et les Européens se verraient privés des avancements technologiques.
Ce n’est pas la première fois que l’idée d’un recul de la compétitivité ou de la “privation” des Européens des avancées technologiques du fait de la réglementation est utilisée par les sociétés.
Il y a déjà eu :
S’agissant d’un large modèle de langage (LLM) et en visant le DMA, le RGDP et l’AI Act, la société Meta indiquait également choisir ne pas lancer ses modèles Llama 3 multimodaux en Europe. L’absence de détail lié à ce choix donne lieu à des présomptions de défaut de respect de la réglementation européenne de la part des utilisateurs européens.
En tout état de cause, et à l’exception des modèles multimodaux Llama 3, les “défauts de publications” au sein de l’Union européenne semblent en réalité être des délais de publication.
Elles semblent viser plusieurs objectifs :
permettre une négociation vis-à-vis d’un texte non encore adopté dont le texte pourrait être modifié et l’implémentation retardée ;
nourrir un discours vis-à-vis du public facilitant un sentiment de rupture envers les régulateurs et un renversement de la charge de la preuve vis-à-vis de la règle de droit. Il n’est plus utile pour les sociétés de préciser en détail la valeur de leurs services ou la façon dont celles-ci peuvent effectivement soutenir l’innovation européenne, c’est au régulateur de justifier les règles relatives à la concurrence ou au respect de la vie privée.
obtenir une précision quant à l’application du texte de loi de la part du régulateur lorsque des discussions sont en cours.
Ces discours mériteraient bien entendu une analyse plus approfondie.
Puisque le Sommet a lieu pour la première fois au sein de l’Union Européenne depuis l’adoption du Règlement sur l’IA, j’ai pensé qu’une première analyse permettrait de mettre les choses en perspective.
Le mot de la fin et les questions
Le mot de la fin pour cette quatrième édition : la môme (“brat” en anglais, traduction personnelle)
Le dictionnaire Collins a estimé que c’était le mot de l’année. La môme : caractérisé par une attitude confiante, indépendante et hédoniste.
Les questions : quel sera l’impact des élections américaines sur le Sommet ? Comment seront conciliés les restrictions budgétaires européennes ou françaises avec les ambitions liées à l'IA ?
A lire :
Reuters, Exclusive: Chinese researchers develop AI model for military use on back of Meta's Llama, November 1, 2024
The New Yorker, Silicon Valley, The New Lobbying Monster, October 7, 2024
A relire:
Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle est une œuvre de Jean de La Bruyère publiée pour la première fois en 1688 à Paris.
Travail de plus de dix-sept ans, le recueil de la Bruyère est composé de remarques (ou maximes), réflexions et portraits dans la continuité de l’oeuvre du philosophe grec Théophraste.
Un exemple : « On est quelquefois aussi éloigné de la vérité en parlant trop qu’en parlant trop peu. ».
Bonjour. Merci de m’avoir lue ! N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires, désaccords constructifs ou de votre souhait de lire une analyse particulière à l'avenir.
#4: Autumn: Reducing budget debt and the classic “competitiveness vs. regulation” in AI
Meetings gradually clearing up the fog surrounding the Summit results.
Key points:
To participate and stay informed: The expert consultation remains open until November 15.
Political context: Budget debt reduction remains at the heart of the French political agenda. The cabinet of the Secretary of State, Madame Chappaz, is expanding, while the decrees assigning IA responsibilities to the various Ministers have been published.
Analysis: The “threat of publication failures” in the European Union seems to be in reality a delay in publication. The classic European competitiveness vs. regulation rhetoric allows companies to negotiate with regulators. It also seems to facilitate a sense of rupture with regulators, and allow a lack of detail as to the precision of the value provided by companies.
Questions: How will the US election impact the Summit? How will European or French budget restrictions be reconciled with AI-related ambitions?
Word of the day: Brat.
Important Dates: Two informative webinars will be held to provide further details: November 13 at 4pm (CET) and November 14 at 11am (CET). These sessions, organized by the Summit team, include partners from civil society.
Next event: I invite you to the next edition of AI Safety Breakfasts: next Thursday, November 21, from 9 to 10 am, we'll hear from Dr. Rumman Chowdhury on the topic of algorithmic audits.
Past Events to rewatch:
With Dr. Charlotte Stix on the evaluation of general-purpose models (September 25);
With Prof. Yoshua Bengio on the international scientific report on advanced AI safety and the state of the art in AI safety (October 7).
Preparation process
Regarding the Summit’s preparation:
Concernant la préparation du sommet, on note que:
The interim report of the expert consultations has been published.
The Paris Peace Forum is held on November 11 and 12, providing a forum for international dialogue between the players involved in the Summit. The forum precedes the inaugural meeting of the International Network of AI Safety Institutes in San Francisco.
Political Context
On the budget
The budget issue remains at the heart of debates.
Discussions on the budget bills, the Finance Bill (“PLF”) and the Social Security Financing Bill (“PLFSS”), continue in a tense climate at the National Assembly.
To date, neither text has been adopted:
PLF: After rejecting the PLF in committee, parliamentarians were unable to complete their examination of the revenue section of the text within the allotted time. Debates were therefore suspended to make way for the examination of the PLFSS, before resuming on November 6.
PLFSS: Although deputies passed the revenue side of the PLFSS on November 4 with 126 votes in favor and 98 against (including votes against from the majority and the right, and an abstention from the far right), the budget was ultimately not passed on first reading because the 20-day deadline set by the Constitution was exceeded. Debate was halted on November 5. The government is expected to forward its initial version to the Senate, with some amendments possibly retained.
Given the political configuration, the most likely scenario is that the deputies will reject the text in public session, as was the case in committee. The text will then be sent to the Senate as the government's initial version.
As mentioned in issue #3, it is therefore likely that the government will activate Article 49.3 of the Constitution. This would probably be coupled with a motion of censure of the government, the adoption of which would then depend on the position of the far-right party.
In parallel with these various parliamentary deadlines, the end-of-year finance bill (PLFG) for 2024 is due to be presented to the Council of Ministers, confirming that the public deficit for the current year will reach 6.1% of GDP.
On digital issues
Philippe Aghion, co-chairman of the Generative AI Committee, who shares this role with Anne Bouverot, lamented:
“Budgetary rigor risks getting in the way of French ambitions for AI [...] [we] “don't sense any momentum or vision” [on support for researchers].
Meanwhile, appointments to the cabinet of the Secretary of State for Digital and AI, Clara Chappaz continue:
Vincent Rapp, former sector manager “innovation and AI strategy” at Bpifrance, has been appointed special advisor in charge of AI ;
Marc Revol, ex-director of AI projects at the Direction Générale des Entreprises (DGE) and currently innovation advisor to the Minister of Research, is also expected to take on an advisory role to Clara Chappaz.
Finally, the decrees of attribution from the Ministers have been published.
AI is placed under the authority of the Minister for Research and Higher Education, Patrick Hetzel,l, who will collaborate with the Minister for the Economy (see Antoine Armand's attribution decree) to implement government policy on AI and digital in research and technology.
Clara Chappaz will also oversee operational aspects, as delegated by her Minister. She also has access to the departments under the authority of the Minister for Higher Education and Research, while the Directorate General for Enterprise remains under the authority of Bercy.
Digital technology and AI policy are thus divided between three ministries, each of which will be involved in preparing the Summit.
Analyses
On the classic European “competitiveness vs. regulation
The Draghi Report, published in September 2024, examined the challenges and opportunities for boosting growth and productivity within the European Union. In particular, it identified AI and semiconductors as priority areas for a competitive European Union.
Recently, several AI companies published an open letter entitled 'Europe needs AI'. In particular, the letter stated that the General Data Protection Regulation (GDPR) was “a rejection of progress” by the European Union. According to these companies:
The application of the GDPR is fragmented and constitutes therefore a barrier to entry into the European market for general-purpose AI models.
Without these models, AI development would take place elsewhere, and Europeans would be deprived of technological advances.
This is not the first time that the idea of Europeans losing competitiveness or being “deprived” of technological advances as a result of regulation has been used by companies.
There have already been:
On LLMs and targeting the DMA, GDPR and AI Act, Meta also indicated that it had chosen not to launch its multimodal Llama 3 models in Europe. The absence of any details concerning this choice gives rise to presumptions of non-compliance with European regulations on the part of European users.
In any case, and with the afore-mentioned exception of multimodal Llama 3, “publication failures” within the European Union appear in reality to be publication delays.
They appear to have several objectives:
to enable negotiation with regard to a text not yet adopted, whose wording could be modified and implementation delayed;
to nourish a discourse vis-à-vis the public that facilitates a sense of rupture with regulators and a reversal of the burden of proof vis-à-vis the rule of law. It is no longer necessary for companies to specify in detail the value of their services or how they can effectively support European innovation; it is up to the regulator to justify rules relating to competition or privacy.
obtain clarification from the regulator as to the application of the law when discussions are underway.
Of course, these speeches deserve a more in-depth analysis.
Since the Summit is taking place for the first time within the European Union since the EU AI Act adoption, I thought an initial analysis would put things into perspective.
Closing Word and Questions
The closing word for this third edition: brat (characterised by a confident, independent and hedonistic attitude).
Questions: How will the US election impact the Summit? How will European or French budget restrictions be reconciled with AI-related ambitions?
To read:
Reuters, Exclusive: Chinese researchers develop AI model for military use on back of Meta's Llama, November 1, 2024
The New Yorker, Silicon Valley, The New Lobbying Monster, October 7, 2024
To Read again:
Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle is a work by Jean de La Bruyère first published in Paris in 1688.
More than seventeen years in the making, de la Bruyère's collection is made up of remarks (or maxims), reflections and portraits in the tradition of the Greek philosopher Theophrastus.
A case in point: “Sometimes speaking too much is as far from the truth as speaking too little”.
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